Fronçant les sourcils, Célian tira en arrière son petit frère et s’agenouilla à sa place, plateau et bières en équilibre sur une main. Ellimac se recula pour surveiller que les clients ne le bousculaient pas.
– C’est la Bête tu crois ? demanda Ellimac avec excitation. Ça n’aime pas les orages, hein ?
– Mais ça se rapproche ! s’exclama Célian. Ça vient par la route ?
Il se redressa tout de suite :
– Père ! Viens voir !
Comme on ne s’entendait pas, il dut retraverser la salle pour tirer son père de la découpe d’un gros saucisson. Le temps qu’ils reviennent, la foudre tombait à portée de fusil. Ellimac commençait à avoir peur. Il eut une idée : il partit à toute allure, grimpa les escaliers quatre par quatre et gagna la chambre des parents. Le silence se fit peu à peu dans la salle quand il redescendit chargé de l’arme de son père, ledit gros fusil et son sac de poudre.
Les larges fermiers regardèrent l’enfant rejoindre son père, qui se saisit de l’arme sans mot dire, l’œil rivé au judas de la porte.
– C’est elle ? osa demander le vieux Grégoire, un fermier assis à une table voisine. Elle vient ici ?
Sa voix avait vacillé sur ses derniers mots. De sa main gauche, il bloqua les tremblements de la droite. Il avait perdu deux de ses vaches à la Bête ce mois-ci, des animaux devenus fous qu’il avait dû abattre lui-même.
La pluie martelait les murs sans fin. Les flammes crépitait dans l’âtre. Le tonnerre ébranla l’auberge et on sursauta.
Leur père secoua la tête.
– Non, ce n’est pas elle. Ce sont des gens, cinq je crois, et ils tiennent un grand fil qui attire la foudre.
– Des naturels alors ? suggéra Grégoire avec soulagement.
Un murmure rassuré parcourut la salle et des discussions naquirent aussitôt à ce sujet. Les naturels étaient les savants les plus respectés, détenteurs des secrets pour incurver la foudre, les en protéger ou la jeter à leur gré. Ils étaient comme maîtres et pocesseurs de la nature et ils transportaient souvent avec eux des merveilles…
– Non, attendez… fit Michael. Ils contrôlent leur fil avec une harpe !
On rit.
– Quoi alors, c’est des mages ? Des mages difformes ?
La salle toute entière poussa un soupir déçu. Le brouhaha remonta aussitôt, la plupart des clients se désintéressant immédiatement de l’affaire.
– Oui, c’est ça, confirma Michael, ce sont des Mages. Ils arrivent.
Ellimac n’avait jamais vu de Mages. Il trépignait de curiosité.
Fin du chapitre 1
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